À bien des égards, écrire est une pratique très solitaire. Pour moi, elle l’a en tout cas beaucoup été. J’ai toujours mis en mots mes émotions, dans des carnets, des journaux, des documents Word, des notes de smartphone, des post-its. J’ai inventé des histoires, le plus souvent dans ma tête, plus rarement, sur le papier. D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours vu en l’écriture un refuge réconfortant, mon havre sûr bien à moi.
Pour autant, il peut aussi y avoir dans « l’écrire » une forme de partage. Enfant introverti, resté un adulte timide, j’ai longtemps rechigné à prendre la parole en public, que ce soit face à un groupe ou, plus angoissant encore, face à une personne seule. Là où, de vive voix, les mots me font souvent défaut, la distance de l’écrit m’a maintes fois aidé, en ce qu’elle m’a permis, et me permet encore, d’exprimer aux autres – aux proches, aux amis, aux amoureux – des sentiments et des pensées que je serais bien incapable de leur avouer en face.
Reste qu’il y a toujours quelque chose d’assez terrifiant dans le fait de livrer ce que l’on a écrit à l’Autre – qui que cet Autre puisse être : écrire, c’est, de bien des manières, un art de la mise à nu ; aussi, l’on a tôt fait de se réfugier derrière une certaine pudeur et de garder ses mots pour soi. Hormis, donc, les messages écrits pour un destinataire particulier, je n’ai que rarement estimé mes écrits dignes d’être lus. Je les ai donc, assez secrètement, gardés pour moi.
Il y a près d’un an de cela, en revanche, j’ai rencontré une personne qui, comme moi, aimait beaucoup écrire. Cette rencontre singulière nous a conduit à lire à deux les mots que nous écrivions en solitaire. C’est ainsi que j’ai saisi combien il y avait dans l’écriture une forme d’universalité. Car bien que les mots que je lisais aient été les siens, ils trouvaient en moi une résonance semblable à la sienne, et nouvelle à la fois. Depuis, je garde dans un coin de mon esprit l’idée que les mots, y compris les miens, valent toujours la peine d’être partagés.
Alors pourquoi sauter le pas aujourd’hui ? Pourquoi décider, maintenant, de donner à lire ce que j’écris, publiquement ? Il y a, je pense, trois raisons à cela.
La première, c’est qu’après avoir longtemps fait de l’écriture ma bulle, ma zone de confort, je souhaite la confronter au regard des autres, pour apprendre à la parfaire et à l’améliorer, à la déconstruire et à la reconstruire, à la lumière de ce que l’éventuel lecteur qui posera ses yeux dessus aura à m’en dire.
La deuxième raison, plus importante encore, c’est que je ne souhaite plus jamais perdre la motivation, l’envie d’écrire. La vie d’adulte a ses accents monotones et routiniers. Elle tend à nous rendre plus fonctionnels que créatifs, plus utiles qu’artistes. J’ai, ces dernières années, perdu de mon entrain, de mon énergie créatrice. J’écrivais moins, ou moins bien. Je sais pourtant, en mon âme et conscience, combien l’écriture est pour moi bénéfique et cathartique. Créer un espace sur lequel publier mes écrits, aussi modestes soient-ils, c’est me fixer un cadre, un prétexte, pour ne jamais oublier d’écrire.
La troisième raison, sans nul doute la plus cruciale de toutes, c’est qu’aujourd’hui, enfin, et pour la première fois de ma vie, j’ai de l’estime pour moi-même, de la confiance en moi-même. À la lumière d’événements récents survenus dans ma vie, et fort de nouvelles expériences positives comme négatives, j’ai appris, enfin, à poser sur moi-même un regard bienveillant, et à apprécier mes qualités autant que mes défauts. Il m’apparaît désormais primordial de ne plus me juger trop durement. Par extension, je ne me laisserai plus dénigrer mes écrits en les estimant indignes d’intérêt. Ils ont un intérêt pour moi, et c’est déjà beaucoup. J’espère qu’ils en auront pour toi aussi, lecteur ou lectrice – mais quoi qu’il arrive, je les écrirai.
J’écrirai et partagerai ici des mots, des mots qui marquent, qui me marquent, et qui, peut-être, te marqueront aussi, toi qui me lis. Mes mots, parfois, si je les estime assez percutants et forts pour exprimer ce que je ressens ; ceux des autres, aussi, lorsque ceux-ci me sembleront plus justes ou plus opportuns.
Au plaisir de t’écrire.