La Maladie d’Amour

« S’il vous plait, ce serait possible de mettre de la musique ? »

Depuis près d’une demi-heure, la radio tournait en boucle : des hommes échangeaient d’un air grave sur un mal mystérieux, qui semblait se répandre dans la population comme une épidémie. On avait connu plus réjouissant pour un premier rendez-vous. Le serveur répondit par l’affirmative et l’inquiétant débat laissa la place à une mélodie plus poétique, celle d’une playlist qu’il avait concoctée spécialement pour l’occasion.

Il n’eut pas besoin de jeter un œil sur sa montre pour savoir qu’il était l’heure — aussi ponctuelle qu’elle l’avait juré, voilà qu’elle poussait la porte du café. 

Elle balaya la salle du regard, il lui fit signe de la main. Elle se dirigea vers lui d’un pas décidé, il se leva pour lui tirer sa chaise d’un geste délicat. 

Une bise timide – de celles où les lèvres effleurent à peine la joue – puis elle prit place, en laissant derrière elle un parfum entêtant.

Elle était la plus belle femme du monde. 

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Les non-résolutions

La nouvelle année. L’occasion de chances inédites, ou la simple continuité de ce qui se déroulait auparavant ? Doit-on, et peut-on vraiment, recommencer à zéro sous prétexte que nous avons, une fois de plus, complété un tour du calendrier ? Est-il seulement possible de faire abstraction du passé ? 

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I Will Be

Quel genre de chansons aimez-vous écouter pendant les fêtes de fin d’année ? Au-delà des classiques que l’on trouve dans toute bonne playlist de Noël, il me semble que l’univers musical de Florence + The Machine, teinté de magie et de féerie, se prête tout particulièrement à l’atmosphère apaisante du mois de décembre. La chanson « I Will Be » a été composée pour un jeu vidéo, Final Fantasy XV. Les paroles s’avèrent très simples, mais elles suffisent à un amoureux des mots comme moi, parce qu’elles disent tout juste cela : ne pas se laisser enterrer par le silence, c’est le meilleur moyen d’exister au monde. Je trouve que cette promesse faite à soi-même, celle de parler, de s’exprimer, et ce faisant de vivre, constitue une belle pensée à avoir en tête, tandis qu’une année s’achève et qu’une autre commence. 

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Thank you, I love you

On nous met souvent en garde : avant d’aimer l’autre, il faut s’aimer soi-même. Je souscris pleinement à cette théorie ; pour autant, il ne fait aucun doute qu’il est plus simple de s’accepter lorsque se porte sur nous un amour sincère, entier et désintéressé. Comme toujours, la vérité est quelque part au milieu : je pense que la clé de l’épanouissement est de devenir capable de nous aimer pour ce que nous sommes, d’une part, et de nous entourer de personnes capables du même exercice, d’autre part. Les paroles de la chanson que je partage avec vous aujourd’hui renvoient à cette deuxième nécessité. Elles remercient l’être aimé pour le présent inestimable que constitue son affection : une force si puissante et si enivrante, qu’elle permet à celui qui se trouvait piégé dans un puits sans fin de sortir, enfin, la tête de la pénombre. Il me semble que je dois, moi-même, exprimer ma gratitude à une certaine personne, qui m’offre, chaque jour, le même cadeau.

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To love at all is to be vulnerable

On passe notre temps — on, c’est moi, c’est toi, c’est ta mère, c’est ton père, c’est ta collègue, ton patron, ton boulanger, ton président de la République ; on, c’est nous tous, partout, tout le temps —, on passe le plus clair de notre vie, en fait, à porter le masque de quelqu’un que rien n’atteint. Continuer la lecture To love at all is to be vulnerable

Migratory animals living under changing weather

Elle fut unique comme elle fut étrange, cette année. Elle nous est apparue amputée de quelques mois, que nous avons passés confinés et immobiles ; et pour autant elle nous a aussi semblé anormalement longue, comme si le temps avait pris un malin plaisir à nous la rendre interminable. Difficile à endurer, parfois injuste à un point qui en devenait risible, 2020 n’aura épargné personne — et pourtant, si je devais en retenir une leçon, c’est notre capacité, collective comme individuelle, à nous adapter à toutes les circonstances. Je garde avec moi, au terme de ces douze mois, une immense foi en notre résilience. Il y a en nous tous une force de vivre incommensurable, qui nous permet, face aux obstacles, de nous transformer, de nous pousser en avant. De nous adapter — pour continuer à travailler, pour continuer à rire, pour continuer à nous émouvoir, pour continuer à nous aimer — pour continuer à vivre, et non seulement à survivre. C’est donc cette étonnante capacité à vivre, vivre, vivre quoi qu’il en coûte, que je souhaite mettre en lumière aujourd’hui, avec les paroles d’une chanson qui me parait conclure 2020 sur une note d’espoir : Obstacles. Les obstacles que nous n’avons pas su voir venir lorsque nous étions trop innocents, et ceux que nous apprenons à anticiper à mesure que nous grandissons. Les obstacles qui nous rendent, malgré tout, plus forts à chaque fois, ceux auxquels nous nous adaptons à chaque fois — car après tout, nous sommes tous des animaux migrateurs, habitués à vivre dans des climats changeants. Continuer la lecture Migratory animals living under changing weather

La terrasse

Une jeune femme était assise à la terrasse d’un café.

Elle était de cet âge « entre-deux » : plus tout-à-fait vingt ans, mais pas encore le quart de siècle, elle était de cet âge qui n’a pas encore fini d’être insouciant et candide, mais que la vie d’adulte a d’ores et déjà chargé d’un petit peu de son fardeau. Elle avait les joues roses, un trait discret d’eye-liner, les lèvres brillantes de gloss, naturelle mais apprêtée, jolie mais pas vulgaire — surtout ne pas paraître vulgaire. Continuer la lecture La terrasse

L’impulsion de l’Autre

C’est d’une simple impulsion dont j’avais besoin.

On nous rappelle souvent, on vous rappelle souvent, que nous n’avons supposément besoin de personne pour nous sentir en confiance, pour nous sentir heureux, pour nous sentir épanoui.

C’est un bon conseil : il nous rappelle que la force qui nous est nécessaire pour tout entreprendre, à commencer par les actions les plus simples et les plus banales, comme nous lever le matin, nous habiller, nous nourrir, sortir de chez nous – cette force ne vient de nul autre que de nous-mêmes. Personne ne viendra nous prendre la main pour le faire à notre place.

Ce que le conseil omet d’admettre, en revanche, c’est que cette force est une énergie fossile. Elle n’existe en nous que dans des proportions limitées, et ne se réapprovisionne qu’au contact de l’Autre.  Continuer la lecture L’impulsion de l’Autre